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Chapter 8 La Notion de Conscience

A communication made (in French) at the Fifth International Congress of Psychology, in Rome, April 30, 1905. It is reprinted from the Archives de Psychologie, vol. v, No. 17, June, 1905.1 Cette communication est le résumé, forcément très condensé, de vues que l’auteur a exposées, au cours de ces derniers mois, en une série d’articles publiés dans le Journal of Philosophy, Psychology and Scientific Methods, 1904 et 1905.

JE voudrais vous communiquer quelques doutes qui me sont venus au sujet de la notion de Conscience qui règne dans tous nos traités de psychologie.

On définit habituellement la Psychologie comme la Science des faits de Conscience, ou des phénomènes, ou encore des états de la Conscience. Qu’on admette qu’elle se rattache à des moi personnels, ou bien qu’on la croie impersonnelle à la fa?on du “ moi transcendental” de Kant, de la Bewusstheit ou du Bewusstsein überhaupt de nos contemporains en Allemagne, cette conscience est toujours regardée comme possédant une essence propre, absolument distincte de l’essence des choses matérielles, qu’elle a le don mystérieux de représenter et de conna?tre. Les faits matériels, pris dans leur matérialité, ne sont pas éprouvés, ne sont pas objets d’expérience, ne se rapportent pas. Pour qu’ils prennent la forme du système dans lequel nous nous sentons vivre, il faut qu’ils apparaissent, et ce fait d’appara?tre, surajoute a leur existence brute, s’appelle la conscience que nous en avons, ou peut-étre, selon l’hypothèse panpsychiste, qu’ils ont d’eux-mêmes.

Voila ce dualisme invétéré qu’il semble impossible de chasser de notre vue du monde. Ce monde peut bien exister en soi, mais nous n’en savons rien, car pour nous il est exclusivement un objet d’expérience; et la condition indispensable à cet effet, c’est qu’il soit rapporte a des témoins, qu’il soit connu par un sujet ou par des sujets spirituels. Objet et sujet, voila les deux jambes sans lesquelles il semble que la philosophie ne saurait faire un pas en avant.

Toutes les écoles sont d’accord la-dessus, scolastique, cartésianisme, kantisme, néo-kantisme, tous admettent le dualisme fondamental. Le positivisme ou agnosticisme de nos jours, qui se pique de relever des sciences naturelles, se donne volontiers, il est vrai, le nom de monisme. Mais ce n’est qu’un monisme verbal. Il pose une réalité inconnue, mais nous dit que cette réalité se présente toujours sous deux “aspects,” un c?te conscience et un c?te matière, et ces deux c?tes demeurent aussi irréductibles que les attributs fondamentaux, étendue et pensée, du Dieu de Spinoza. Au fond, le monisme contemporain est du spinozisme pur.

Ou, comment se représente-t-on cette conscience dont nous sommes tous si portes à admettre l’existence? Impossible de la définir, nous dit-on, mais nous en avons tous une intuition immédiate: tout d’abord la conscience a conscience d’elle-meme. Demandez à la première personne que vous rencontrerez, homme ou femme, psychologue ou ignorant, et elle vous répondra qu’elle se sent penser, jouir, souffrir, vouloir, tout comme elle se sent respirer. Elle per?oit directement sa vie spirituelle comme une espèce de courant intérieur, actif, léger, fluide, délicat, diaphane pour ainsi dire, et absolument opposé à quoi que ce soit de matériel. Bref, la vie subjective ne parait pas seulement être une condition logiquement indispensable pour qu’il y ait un monde objectif qui apparaisse, c’est encore un élément de l’expérience même que nous éprouvons directement, au même titre que nous éprouvons notre propre corps.

Idées et Choses, comment donc ne pas reconnaitre leur dualisme? Sentiments et Objets, comment douter de leur hétérogénéité absolue?

La psychologie soi-disant scientifique admet cette hétérogénéité comme l’ancienne psychologie spiritualiste l’admettait. Comment ne pas l’admettre? Chaque science découpe arbitrairement dans la trame des faits un champ ou elle se parque, et dont elle décrit et étudie le contenu. La psychologie prend justement pour son domaine le champ des faits de conscience. Elle les postule sans les critiquer, elle les oppose aux faits matériels; et sans critiquer non plus la notion de ces derniers, elle les rattache a la conscience par le lien mystérieux de la connaissance, de l’aperception qui, pour elle, est un troisième genre de fait fondamental et ultime. En suivant cette voie, la psychologie contemporaine a fête de grands triomphes. Elle a pu faire une esquisse de l’évolution de la vie consciente, en concevant cette dernière comme s’adaptant de plus en plus complètement au milieu physique environnant. Elle a pu établir un parallélisme dans le dualisme, celui des faits psychiques et des événements cérébraux. Elle a explique les illusions, les hallucinations, et jusqu’à un certain point, les maladies mentales. Ce sont de beaux progrès; mais il reste encore bien des problèmes. La philosophie générale surtout, qui a pour devoir de scruter tous les postulats, trouve des paradoxes et des empêchements là où la science passe outre; et il n’y a que les amateurs de science populaire qui ne sont jamais perplexes. Plus on va au fond des choses, plus on trouve d’énigmes; et j’avoue pour ma part que depuis que je m’occupe sérieusement de psychologie, ce vieux dualisme de matière et de pensée, cette hétérogénéité posée comme absolue des deux essences, m'a toujours présenté des difficultes. C’est de quelques-unes de ces difficultés que je voudrais maintenant vous entretenir.

D’abord il y en a une, laquelle, j’en suis convaincu, vous aura frappés tous. Prenons la perception extérieure, la sensation directe que nous donnent par exemple les murs de cette salle. Peut-on dire ici que le psychique et le physique sont absolument hétérogènes? Au contraire, ils sont si peu hétérogènes que si nous nous pla?ons au point de vue du sens commun; si nous faisons abstraction de toutes les inventions explicatives, des molécules et des ondulations éthérées, par exemple, qui au fond sont des entités métaphysiques; si, en un mot, nous prenons la réalité na?vement et telle qu’elle nous est donnée tout d’abord, cette réalité sensible d’où dépendent nos intérêts vitaux, et sur laquelle se portent toutes nos actions; eh bien, cette réalité sensible et la sensation que nous en avons sont, au moment où la sensation se produit, absolument identiques l’une à l’autre. La réalité est l’aperception même. Les mots “murs de cette salle” ne signifient que cette blancheur fra?che et sonore qui nous entoure, coupée par ces fenêtres, bornée par ces lignes et ces angles. Le physique ici n’a pas d’autre contenu que le psychique. Le sujet et l’objet se confondent.

C’est Berkeley qui le premier a mis cette vérité en honneur. Esse est percipi. Nos sensations ne sont pas de petits duplicats intérieurs des choses, elles sont les choses mêmes en tant que les choses nous sont présentes. Et quoi que l’on veuille penser de la vie absente, cachée, et pour ainsi dire privée, des choses, et quelles que soient les constructions hypothetiques qu’on en fasse, il reste vrai que la vie publique des choses, cette actualité présente par laquelle elles nous confrontent, d’où derivent toutes nos constructions théoriques, et à laquelle elles doivent toutes revenir et se rattacher sous peine de flotter dans l’air et dans l’irréel; cette actualité, dis-je, est homogêne, et non pas seulement homogène, mais numériquement une, avec une certaine partie de notre vie intérieure.

Voilà pour la perception extérieure. Quand on s’adresse a l'imagination, à la mémoire ou aux facultés de représentation abstraite, bien que les faits soient ici beaucoup plus compliqués, je crois que la même homogénéité essentielle se dégage. Pour simplifier le problème, excluons d’abord toute réalité sensible. Prenons la pensée pure, telle qu’elle s’effectue dans le rêve ou la rêverie, ou dans la mémoire du passe. Ici encore, l’étoffe de l’expérience ne fait-elle pas double emploi, le physique et le psychique ne se confondent-ils pas? Si je rêve d’une montagne d’or, elle n’existe sans doute pas en dehors du rêve, mais dans le rêve elle est de nature ou d’essence parfaitement physique, c’est comme physique qu’elle m’apparait. Si en ce moment je me permets de me souvenir de ma maison en Amérique, et des détails de mon embarquement récent pour l’Italie, le phenomène pur, le fait quise produit, qu’est-il? C’est, dit-on, ma pensée, avec son contenu. Mais encore ce contenu, qu’est-il? Il porte la forme d’une partie du monde réel, partie distante, il est vrai, de six mille kilomètres d’espace et de six semaines de temps, mais reliée à la salle où nous sommes par une foule de choses, objets et événements, homogènes d’une part avec la salle et d’autre part avec l’objet de mes souvenirs.

Ce contenu ne se donne pas comme étant d’abord un tout petit fait intérieur que je projetterais ensuite au loin, il se présente d’emblée comme le fait éloigné même. Et l’acte de penser ce contenu, la conscience que j’en ai, que sont-ils? Sont-ce au fond autre chose que des manières rétrospectives de nommer le contenu lui-meme, lorsqu’on l’aura séparé de tous ces intermédiaires physiques, et relie à un nouveau groupe d’associes qui le font rentrer dans ma vie mentale, les émotions par exemple qu’il a éveillées en moi, l’attention que j’y porte, mes idées de tout a l’heure qui l’ont suscite comme souvenir? Ce n’est qu’en se rapportant à ces derniers associes que le phénomène arrive a être classe comme pensée; tant qu’il ne se rapporte qu’aux premiers il demeure phénomène objectif.

Il est vrai que nous opposons habituellement nos images intérieures aux objets, et que nous les considérons comme de petites copies, comme des calques ou doubles, affaiblis, de ces derniers. C’est qu’un objet présent a une vivacité et une netteté supérieures a celles de l’image. Il lui fait ainsi contraste; et pour me servir de l’excellent mot de Taine, il lui sert de réducteur. Quand les deux sont présents ensemble, l’objet prend le premier plan et l’image “recule,” devient une chose “absente.” Mais cet objet présent, qu’est-il en lui-méme? De quelle étoffe est-il fait? De la même étoffe que l’image. Il est fait de sensations; il est chose per?ue. Son esse est percipi, et lui et l’image sont génériquement homogènes.

Si je pense en ce moment à mon chapeau que j’ai laisse tout à l’heure au vestiaire, où est le dualisme, le discontinu, entre le chapeau pense et le chapeau réel? C’est d’un vrai chapeau absent que mon esprit s’occupe. J’en tiens compte pratiquement comme d’une réalité. S’il était présent sur cette table, le chapeau déterminerait un mouvement de ma main: je l’enlèverais. De même ce chapeau con?u, ce chapeau en idée, déterminera tant?t la direction de mes pas. J'irai le prendre. L’idée que j’en ai se continuera jusqu’à la présence sensible du chapeau, et s’y fondra harmonieusement.

Je conclus donc que, — bien qu’il y ait un dualisme pratique — puisque les images se distinguent des objets, en tiennent lieu, et nous y mènent, il n’y a pas lieu de leur attribuer une différence de nature essentielle. Pensée et actualité sont faites d’une seule et même étoffe, qui est l’étoffe de l’expérience en général.

La psychologie de la perception extérieure nous mené à la même conclusion. Quand j’aper?ois l’objet devant moi comme une table de telle forme, a telle distance, on m’explique que ce fait est d? a deux facteurs, à une matière de sensation qui me pénètre par la voie des yeux et qui donne l’élément d’extériorité réelle, et à des idées qui se réveillent, vont a la rencontre de cette réalité, la classent et l’interprètent. Mais qui peut faire la part, dans la table concrètement aper?ue, de ce qui est sensation et de ce qui est idée? L’externe et l’interne, l’étendu et l'inétendu, se fusionnent et font un mariage indissoluble. Cela rappelle ces panoramas circulaires, où des objets réels, rochers, herbe, chariots brises, etc., qui occupent l’avant-plan, sont si ingénieusement relies a la toile qui fait le fond, et qui représente une bataille ou un vaste paysage, que l’on ne sait plus distinguer ce qui est objet de ce qui est peinture. Les coutures et les joints sont imperceptibles.

Cela pourrait-il advenir si l’objet et l’idée étaient absolument dissemblables de nature?

Je suis convaincu que des considérations pareilles à celles que je viens d’exprimer auront déjà suscite, chez vous aussi, des doutes au sujet du dualisme prétendu.

Et d’autres raisons de douter surgissent encore. Il y a toute une sphère d’adjectifs et d’attributs qui ne sont ni objectifs, ni subjectifs d’une manière exclusive, mais que nous employons tant?t d’une manière et tant?t d’une autre, comme si nous nous complaisions dans leur ambiguité. Je parle des qualités que nous apprécions, pour ainsi dire, dans les choses, leur c?té esthétique, moral, leur valeur pour nous. La beauté par exemple, où réside-t-elle? Est-elle dans la statue, dans la sonate, ou dans notre esprit? Mon collègue à Harvard, George Santayana, a écrit un livre d'esthétique,93 ou il appelle la beauté “le plaisir objectifié”; et en vérité, c’est bien ici qu’on pourrait parler de projection au dehors. On dit indifféremment une chaleur agréable, ou une sensation agréable de chaleur. La rareté, le précieux du diamant nous en paraissent des qualités essentielles. Nous parlons d’un orage affreux, d’un homme ha?ssable, d’une action indigne, et nous croyons parler objectivement, bien que ces termes n’expriment que des rapports à notre sensibilité émotive propre. Nous disons même un chemin pénible, un ciel triste, un coucher de soleil superbe. Toute cette manière animiste de regarder les choses qui parait avoir été la fa?on primitive de penser des hommes, peut très bien s’expliquer (et M. Santayana, dans un autre livre tout récent,94 l’a bien expliquée ainsi) par l’habitude d’attribuer à l’objet tout ce que nous ressentons en sa présence. Le partage du subjectif et de l’objectif est le fait d’une réflexion très avancée, que nous aimons encore ajourner dans beaucoup d’endroits. Quand les besoins pratiques ne nous en tirent pas forcement, il semble que nous aimons a nous bercer dans le vague.

93 The Sense of Beauty, pp. 44 ff.

94 The Life of Reason [vol. I, “ Reason in Common Sense,” p. 142].

Les qualités secondes elles-mêmes, chaleur, son, lumière, n’ont encore aujourd’hui qu’une attribution vague. Pour le sens commun, pour la vie pratique, elles sont absolument objectives, physiques. Pour le physicien, elles sont subjectives. Pour lui, il n’y a que la for............

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